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Création et Développement d'un laboratoire de "Mycologie"

au service de Dermatologie du CHU de Nancy

 

Jacques VADOT

 

Les atteintes mycologiques cutanées constituent un volet important des affections dermatologiques. Elles sont très fréquentes et nécessitent un diagnostic précis qui s’appuie sur la recherche des agents pathogènes en cause, amplement facilitée par la proximité du laboratoire.

C’est dans cette perspective que le Service de Dermatologie de Nancy, qui fut situé pendant près d’un siècle à l’Hôpital Fournier au 36 du Quai de la Bataille, a vu naître et se développer ces techniques précieuses en complément de la « clinique ».

Cela s’est fait en plusieurs étapes.

Prémices et début des recherches mycologiques

Le Docteur Jean-Marie Mougeolle, Chef de Clinique, puis « Consultant » dans le Service du Professeur Jean Beurey, passe en 1953 sa Thèse sur les « Moniliases ou Candidoses cutanées », alors qu’apparaissait la « Nystatine », premier traitement efficace de ces atteintes mycosiques cutanées.

A cette époque survient une rencontre fortuite entre Robert Franquet et Jean-Marie Mougeolle – Ce dernier nous la résume (*).

« … En 1952, rentrant du service militaire et déjeunant au Mess des Officiers de Nancy, je fis la connaissance du Professeur Robert Franquet (1897-1984).

Après une éprouvante guerre de 14-18, Robert Franquet obtient en 1921 une licence en sciences (botanique, géologie et chimie biologique). Il passera 10 ans au Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, jusqu’à sa thèse de sciences en 1932. En 1936, il soutient sa thèse en pharmacie et continue à fréquenter le Muséum. Mobilisé puis démobilisé en 1939-1940, il reprend ses travaux sur la biochimie des plantes.

En 1945, on lui propose la chaire d’histoire naturelle de la Faculté de Pharmacie de Nancy, transformée en chaire de Botanique (enseignement de Botanique, Mycologie et Cryptogamie). »

A la suite de sa rencontre avec Jean-Marie Mougeolle, le Professeur Franquet acceptera de faire, gracieusement, les premières recherches mycologiques de l’hôpital Fournier dans son laboratoire de la Faculté de Pharmacie, les prélèvements lui y étant apportés. Cela durera plusieurs années.

Un peu plus tard le Laboratoire de Bactériologie et Parasitologie de la Faculté de Médecine décida, avec le Professeur Beurey, de créer une antenne mycologique à « Fournier », sous la direction du futur Professeur Gilbert Percebois. Par la suite ce laboratoire se développera sous la conduite du Docteur Nelly Contet-Audonneau.

 

La mycologie médicale venait d’apparaître à Fournier

Gilbert Percebois

Passionné par l’histoire, médicale en particulier, Gilbert Percebois a aussi été un des « pionniers » de notre musée

(voir N° 86 – Automne 2018 - de « La Lettre du Musée »).

 

 

Les autres laboratoires « Fournier »

Vers les années 60, la « Clinique dermatologique » comporte essentiellement un Laboratoire d’Anatomopathologie, créé vers 1940 par le Professeur Jules Watrin, élève d’Ancel et Bouin, puis de Rémy Colin dont il fut l’agrégé en 1923. Ce laboratoire sera développé par son successeur Jean Beurey, avec la collaboration des Docteurs Claude Michon puis Anne Charles-Fournier. Plus tard interviendront les Professeurs Adrien Duprez (1933-2013), François Plénat puis Jean-Michel Vignaud (également dermatologue).

A leur début ces examens se déroulaient dans un local étroit, situé en partie sous un escalier.

Quelques années plus tard des locaux du « dispensaire » longtemps utilisés pour la « biologie » furent libérés par suite de regroupements hospitaliers, et le Professeur Beurey décida d’y transférer l’histologie.

Professeur Jean Beurey

Le petit local ainsi rendu libre fut affecté à la « Mycologie ».

Plan du premier laboratoire de Mycologie à « Fournier »

 

Le premier laboratoire de Mycologie à l'hôpital Fournier

De petite taille, donnant sur la cour du service d'hospitalisation-hommes, il est éclairé par une seule fenêtre (voir plan). Il est situé à proximité des « consultations » du service. Les prélèvements et les « examens directs » s'y déroulent facilement, mais les étuves nécessaires aux cultures sont installées dans un couloir desservant aussi les toilettes…

Nelly Contet-Audonneau – en 1978

 

Pendant un temps le Professeur Gilbert Percebois en assure la conduite, aidé par une jeune médecin, Nelly Contet-Audonneau, avec la collaboration des techniciennes de laboratoire : Renée Chevalier, Christine Millon puis Céline Hienne-Kieffer.

Ce partenariat direct est très précieux pour la Dermatologie et la formation des futurs spécialistes.

Pendant plusieurs années, cette première « antenne mycologique » rend les plus grands services à notre spécialité permettant ainsi de diagnostiquer, avec certitude, de nombreuses « mycoses cutanées ».

 

Le deuxième laboratoire de Mycologie à l'hôpital Fournier

Vers les années 70, par suite de la suppression de lits d’hospitalisation au 1er étage du « Dispensaire Fournier », de nouveaux locaux sont disponibles. Un aménagement de plusieurs pièces situées en façade, permettra la création d’un bureau, de salles de prélèvements et d’espaces techniques plus étendus, facilitant le développement des recherches mycologiques associées à la parasitologie.

 

Vanessa Mateo-Ponce (interne) et Christine Millo (technicienne)

 

Locaux affectés à la Mycologie

Le Professeur Percebois est toujours secondé par le Docteur Nelly Contet-Audonneau (**) qui prendra ensuite la responsabilité de ce Laboratoire où des internes pourront participer aux recherches, au cours de leur formation soit en biologie, soit en dermatologie.

Des progrès thérapeutiques accompagnent ces périodes. La Nystatine, première arme efficace contre les candidoses a été renforcée par l’apport de l’Amphotéricine B. De leur côté les trichophyties et épidermophyties, après la griséofulvine, bénéficient de l’apport thérapeutique de nouvelles molécules, en particulier les imidazolés puis les triazolés. De nombreux topiques vont apparaitre dont la ciclopiroxolamine et l’amorolfine.

Les recherches parasitologiques à expression cutanée sont facilitées par la présence de ce laboratoire, ce qui permet de confirmer rapidement des diagnostics incertains : scabiose, oxyurose, leishmaniose, filariose sous-cutanée…

Cette « période florissante » va durer pendant plusieurs années dans une « collaboration constructive » entre clinique et laboratoire.

Cette précieuse « antenne mycologique » est des plus utiles pour l’activité du service de dermatologie. Ses responsables participent à des congrès (dont en 2007, à Nancy, celui de la Société Française de Mycologie Médicale) et divers colloques, ainsi qu’à la « formation médicale continue » en dermatologie placée sous la responsabilité des présidents et présidentes successifs de l’Association Lorraine Post-Universitaire de Dermatologie – ALPUD (Jean-Marie Mougeolle, Elisabeth Laveine, Anne Bellut et Cristèle Nicolas).

Nelly Contet-Audonneau animera des formations pratiques et théoriques pour les internes en dermatologie et en biologie, participant aussi à de nombreuses formations continues dans ces domaines, tant à Nancy (Faculté de Médecine) qu’à Lyon (Biomérieux), à Paris ou à l’étranger.

Elle inspirera nombre de mémoires et thèses, publie régulièrement à plusieurs congrès nationaux et internationaux. Enfin, avec des collègues elle réalisera en 1998 un CD-ROM de Mycologie médicale (Mycologic), précieux pour l’enseignement, avant de rédiger collectivement, un peu plus tard (1999), un ouvrage de Mycologie médicale (Collection Abrégés Masson) qui fera référence.

 

Au CHRU de Brabois le dernier « emplacement technique » à proximité de la « cliniques »

 

En septembre 2010, le Service de Dermatologie (Professeur Jean-Luc Schmutz) quitte le Quai de la Bataille pour s’implanter dans le nouveau bâtiment des «Spécialités médicales » - « Philippe Canton » - au sein du CHRU de Brabois.

Le Laboratoire de Mycologie accompagne ce transfert. Des locaux sont spécialement aménagés à proximité de la consultation afin de maintenir le lien entre les cliniciens et les biologistes, dans l’intérêt des patients.

Peu à peu son activité deviendra moins importante par manque de personnel et du fait de nouvelles règlementations très contraignantes. A partir de 2019 la partie technique sera regroupée avec des structures plus étendues de Biologie où se développe, en particulier la « Spectrométrie de masse » et le « Diagnostic moléculaire ».

Ce laboratoire est maintenant dirigé par la Professeure Marie Machouart – Docteur es-sciences.

Ainsi, depuis plus d’un demi-siècle, la Dermatologie et la Mycologie collaborent, avec efficacité, au sein du CHRU de Nancy.

 

(*) in « Deux siècles de Dermatologie à Nancy -2014 – p.98 – Association des Amis du Musée de la Faculté de Médecine de Nancy.

(**) Assistante (1972), Chef de Travaux (1981) puis Maitre de Conférence (1991), le Docteur Nelly Contet-Audonneau est une référence en Dermato-myco-parasitologie. Nous la remercions très sincèrement pour ses conseils et ses documents.