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Jehan BAUHIN (1541-1612)

Médecin et botaniste de Montbéliard

 

Jacques VADOT

Avec la collaboration d'André BOUVARD, historien,

Président de la Société d'Emulation de Montbéliard

 

 

Si Louis XIV conquiert la Franche-Comté qui devient française par le Traité de Nimègue, en 1678, le Comté, ou « Principauté » de Montbéliard, ne rejoindra la France, sans heurts, qu’un peu plus d’un siècle plus tard, en 1793.

 

Depuis le Moyen-Age, en fonctions des guerres et des ambitions royales, la Franche-Comté, qui fit longtemps partie du Royaume de Bourgogne, fut par période rattachée à la France, dont une fois à la suite de la mort de Charles le Téméraire, à la Bataille de Nancy, le 5 janvier 1477. A l’époque qui nous intéresse, cette région est sous domination espagnole, malgré la guerre déclarée et perdue par Henri IV pour la conquérir.

Parallèlement à cette longue histoire, le Comté de Montbéliard, gouverné au XVIe siècle par Frédéric de Wurtemberg-Montbéliard, est en plein développement économique et attire des personnages de valeur, dans la mouvance des déplacements dus à la lutte contre les « réformistes », particulièrement en Lorraine, en Franche-Comté ou dans le Royaume de France.

C’est à cette époque que Jehan Bauhin, après avoir suivi un « cursus » varié et international lui ayant permis d’acquérir une formation médicale et de botaniste, s’installe à Montbéliard, à l’âge de 28 ans.

Issu d’une famille médicale, on relèvera que Jehan Bauhin, père, et son fils porteront le même prénom.

 

Jehan Bauhin, père, naît à Amiens en 1511. Après de brillantes études, on le retrouve à Paris où exerce un de ses oncles, chirurgien, qui eut pour « maître » Jacques Dubois, plus connu sous le nom de « Sylvius » (1478-1555), qui s’intéressa à des détails anatomiques de la circulation du cerveau.

C’est aussi l’époque d’Erasme (1469-1536) puis de Montaigne (1533-1592).

A Paris, Jehan Bauhin (père) épouse Jeanne Fontaine. Mais très vite il sera victime de la lutte contre les protestants. Il est jeté en prison alors que nait son premier fils, Jehan. Il aura ensuite cinq filles dont seulement trois survécurent, puis un autre fils, Caspar. Poursuivi pour ses opinions religieuses, il gagnera les Ardennes belges. En tant que médecin, il traduit en français des ouvrages de Galien. Il prodigue ses soins à la haute société d’Anvers. Prévenu par des amis, il doit quitter précipitamment cette ville pour échapper à de nouvelles persécutions contre les protestants. Il rejoint Bâle vers 1643. Pratiquant initialement la chirurgie (Paris), Jehan Bauhin, père, ne fut pas de suite reconnu comme « médecin ». Il lui fallut attendre sept années en Suisse. Mais, en 1580, il est nommé « Doyen » de la faculté de médecine de Bâle, deux ans avant sa mort. Sa culture humaniste, sa tolérance religieuse (il défendait cependant les idées de Calvin) et sa pratique de la langue française influencèrent particulière- ment son fils Jehan auquel nous nous intéressons. Il décède au début de l’année 1582, âgé de 71 ans. Son épouse décèdera la même année, au cours d’une épidémie de peste affectant la région de Bâle.

 

Jehan Bauhin, fils, né à Paris en 1541, se fixe à Mont-béliard en 1570.

Auparavant il voyage beaucoup et rencontre de nombreux personnages de son époque, tant en Italie, en Allemagne qu’en Suisse ou en France, ce qui lui permet d’acquérir une formation humaniste, médicale et de botaniste qui influenceront ses orientations futures.

 

Sa formation scientifique et humaniste

Après quatre années passées à la faculté des Arts de Bâle, pour ses « humanités », Jehan Bauhin s’inscrit à la faculté de médecine de cette ville. Il gagnera ensuite l’université de Tubingen (Wurtemberg) où il complète sa formation de botaniste, les plantes étant à la base de la pharmacopée. Il fréquente un jardin botanique privé de grande renommée, dirigé par un certain Léonard Fuchs (1501-1566), ami de Conrad Gessner (un ami de son père) dont nous allons reparler.

En 1561, Jehan gagne la faculté de Montpellier, de grande renommée, où l’on vit passer, Nostradamus (1529) et Rabelais (1530). A Montpellier se pratiquent les dissections dans un « théâtre anatomique », en période hivernale, pour des raisons climatiques.

Jehan Bauhin y rencontre le zurichois, Conrad Gessner (1516-1596), féru de grec et de latin, lisant Homère, Plutarque, Virgile ou Cicéron, et deviendra son ami. A son tour Jehan Baudin usera du latin et du grec, ce qui lui, permet d’acquérir de nombreuses connaissances médicales ou botaniques anciennes. A Montpellier, Jehan fait aussi la connaissance d’un grand botaniste bavarois, Leonhart Rauwolff dont le nom sera donné à une espèce botanique « Rauwolfia » dont la variété « serpentina » sera utilisée plus tard, pour son action hypotensive.

Revenu à Bâle, Jehan travaillera quelques temps aux côtés de son père qui avait une importante clientèle chirurgicale.

Au cours de l’année 1562, Jehan Bauhin se rend en Italie du Nord dans la perspective de compléter sa formation chirurgicale à l’université de Padoue, avec des lettres de recommandation de son ami Conrad Gessner. Célèbre en Europe, l’école anatomique de Padoue vit successivement à sa tête Vésale (1514-1564) puis Fallope (1523-1562). Plus tard on retrouvera Harvey, le découvreur de la circulation sanguine. Pratiquées à Padoue, les dissections sont, à cette époque, encore interdites dans de nombreux pays pour des raisons religieuses. Jehan s’adonne aussi au « tourisme botanique ».

Puis il gagne Ferrare et Bologne, y complétant sa formation de botaniste, visitant des « jardins » réputés (Villa d’Este) et consultant des ouvrages et herbiers renommés. On le retrouve ensuite à Parme, puis à Milan, où il « classera » ses nombreuses récoltes botaniques.

Après ces périples formateurs Jehan Bauhin revient quelque temps à Bâle.

Mais en septembre 1563 il gagne Lyon où il exercera pendant cinq années. En dehors de la médecine, il continue à s’intéresser à la botanique et est chargé de la formation des apothicaires de la ville. Il travaille aux côtés d’un maître lyonnais, Jacques Daléchamps qui, plus tard, publiera une « histoire générale des plantes », ne citant pas Jehan Bauhin qui avait collaboré à ses recherches, et qui en fut très amer.

En 1564 une vaste épidémie de peste « bubonique » s’abat sur le Rhône, y faisant plus de cinquante mille morts. Jehan Bauhin en fut atteint, mais il en réchappa grâce aux soins de ses confrères. Plus tard le gendre de Jehan Bauhin, Thiébaut Noblot, apothicaire, fera éditer, en 1607, un recueil des prescriptions salvatrices de son beau-père.

En 1565, le mariage de Jehan avec une lyonnaise, Denyse Bornard (ou Bornand) fut retardé en raison d’un conflit avec les « calvinistes lyonnais », la famille Bauhin étant considérée comme « hétérodoxe » en raison de la pratique d’un « protestantisme endurci ».

En 1567 le mouvement protestant tente, en vain, de prendre le pouvoir à Lyon, détenu par les autorités catholiques. Contraints d’abjurer le protestantisme et s’y refusant, Jehan Bauhin fut dans l’obligation de quitter précipitamment cette ville avec sa femme et ses deux enfants.

On le retrouve ensuite pendant deux années à Genève où il eut à gérer une épidémie de peste. Les mesures draconiennes édictées par Jehan Bauhin à ce sujet et ses projets d’organisation sévère des relations entre médecins et apothicaires suscitèrent des tensions qui l’obligent à quitter la ville en l’été 1570.

Jehan Bauhin revient à Montbéliard. Grâce à sa formation étendue et pendant l’année 1571, il est sollicité pour être le titulaire de la chaire de rhétorique de l’université de Bâle. A Bâle, ses connaissances anatomiques lui permettent de réaliser trente-trois dissections publiques aux côtés de son « maître » Félix Patter, savant et riche collectionneur qui eut le privilège de recevoir, en sa belle maison bâloise, la visite de Montaigne.

 

Sa situation d’Archiatre

En 1570, âgé seulement de 14 ans, le Comte Frédéric de Montbéliard-Wurtemberg n’exerce son pouvoir qu’à travers un « Conseil de Régence ». Le poste d’archiatre devenu rapidement vacant, la proposition de remplir cet office est faite, peut-être en raison des relations de son père « chirurgien extraordinaire de la Cour », à Jehan Bauhin qui l’accepte. Cela lui permettra de se fixer de façon plus stable, même si à cette époque Montbéliard était considéré comme une « bourgade ».

Terre allemande, mais franco- phone, Montbéliard est entièrement convertie au protestantisme, s’approchant plus de Calvin que de Luther.

Dénommé « archiatre », Jehan Bauhin devient de fait « médecin de la Cour », c'est-à-dire du jeune Prince et de sa famille, des gentilshommes, des officiers et du personnel, soit une centaine de personnes environ.

Le Comte Frédéric ne rejoindra Montbéliard que cinq années plus tard, en 1577. Les fonctions de Jehan Bauhin deviennent alors véritablement officielles, et, en dehors de son rôle médical, il se voit confier un rôle de contrôle de l’apothicairerie du château.

Jehan Bauhin se voit attribué un domicile et une « monture » pour ses déplacements. Il bénéficie de « gages annuels » et honoraires pour ses fonctions à la Cour. Par ailleurs il reçoit aussi des émoluments de l’Eglise, sans doute en raison de son rôle d’enseignant. A cela s’ajoutent les honoraires qu’il perçoit de sa clientèle privée.

Devenu majeur en 1581, le Prince Frédéric témoigne de son amitié envers Jehan Bauhin en lui offrant une chaine et un médaillon en or, à son effigie et à celle de son épouse, et plus tard, une propriété sise aux environs de Colmar.

 

Sa famille

Du mariage de Jehan avec Denise Bornard naquirent, à Lyon un premier garçon, une première fille, puis un fils décédé semble-t-il en bas âge, et à Montbéliard deux autres filles, suivies un peu plus tard d’une dernière fille. Toutes ses filles épouseront des médecins ou des apothicaires dont certains, en particulier botanistes, travailleront avec leur beau-père. A la génération suivante, on retrouvera aussi plusieurs médecins.

Jehan avait un frère, de dix-huit ans son cadet, Caspar Bauhin. Après des études à Florence, Pise, Rome puis Montpellier, Caspar regagne Bâle où il devient célèbre par ses travaux d’anatomie et de botanique largement diffusés dans le monde germanique, dont il connaissait bien la langue, contrairement à son ainé. Ses enfants exerceront aussi des carrières médicales d’anatomie et de botanique, et l’un d’eux, Johann-Caspar, sera un des médecins de Louis XIV.

 

Son œuvre médicale est essentiellement fondée sur l’enseignement des anciens, Hippocrate et Galien.

Quatre fondamentaux président à la création : la terre, l’eau, l’air et le feu, et déterminent la composition des êtres sous l’aspect du sec, de l’humide, du froid et du chaud dans la nécessité du maintien d’un équilibre ou « crase ». La rupture de cet équilibre ou « dyscrasie » entrainera, par exemple, des fièvres ou des diarrhées.

A cela s’ajoutent des « agresseurs » venus de l’extérieur, supports encore confus de la contagion (fièvres pestilentes). Ce sont supposés être des « venins », des « odeurs »… voire même des remèdes qui se révèlent des poisons, comme l’antimoine que Jehan Bauhin condamnera. Toutes ces notions s’opposeront aux croyances douteuses des charlatans (magie).

Fort de ces raisonnements, Jehan Bauhin publiera dans des domaines variés : la rage, la peste, les parasites ou la crénothérapie.

 

La rage sévit dans beaucoup de régions, à la faveur de la présence de loups. Les morsures les plus distales sont d’incubation plus longue (jusqu’à 59 jours). Ainsi Jehan Bauhin préconise-t-il la pose de ligature en amont de la morsure, un nettoyage soigneux et une désinfection de la plaie (eau bicarbonatée ou vinaigre), voire même une cautérisation. Enfin il conseille d’entraver les « enragés » (agitation, « furiosité », délires…) et de les placer sous la « protection divine ».

 

La peste que Jehan Bauhin côtoie à Lyon l’incite à faire connaître ses conseils sous forme de « Lettres » adressées à des personnages très divers, médecins ou non (Abbesse d’un Couvent alsacien). Dans les siècles précédents, des épidémies de « peste noire » (milieu du 14e siècle, Guerre de Trente ans) firent disparaître la moitié de la population montbéliardaise. De nouvelles épidémies surviennent au cours du 16e siècle.

Dans l’ignorance de l’existence du bacille découvert plus tard (Yersin-1894), la responsabilité des « bubons » était soupçonnée, avec une dissémination digestive, pulmonaire ou cérébrale. Si le bubon s’ouvrait spontané- ment, permettant « l’évacuation du poison », le pronostic devenait meilleur.

Des mesures prophylactiques étaient préconisées : évacuation des cadavres humains ou d’animaux, combat contre les odeurs par des fumigations intenses (bois de genévrier…), interdiction des rassemblements et des foires, hygiène, propreté et aération des maisons dans lesquelles on brûle romarin, laurier, sauge, lavande … A cela s’ajoutait le conseil du lavage des mains dans une eau renfermant une macération, dans du vinaigre de rose, d’angélique, de curcuma, de basilic…

Pour les médecins ou les personnes en contact avec les malades était préconisé le port de masque, sous forme d’un appendice conique effilé, à l’intérieur duquel étaient déposés du musc et/ou d’autres produits végétaux.

Des conseils diététiques étaient donnés, excluant le porc, les viandes faisandées ou les poissons de milieux « vaseux » (étangs, mares) et divers fruits ou légumes (chanterelles, melons, potirons …). L’utilisation du vinaigre était conseillée, ainsi que les vins dans lesquels avaient macéré des plantes aromatiques.

Les thérapeutiques étaient limitées, consistant surtout en conseils de vie : favoriser la transpiration, exclure les purgations et les saignées (qui affaiblissent le corps). Enfin étaient conseillées l’ouverture des abcès, des applications de cataplasmes ou emplâtres renfermant des extraits végétaux divers, et parfois des produits de « magie générale » comme la poudre de corne de cerfs, des raclures d’ivoire ou des broyats de pierres précieuses.

Peut-être plus répandue, mais sans base scientifique certaine, était préconisée l’utilisation de la « thériaque », figurant longtemps au Codex, et obtenue par le mélange, souvent avec du miel, d’une multitude de produits en poudre et même de petites doses d’opium. Connu depuis l’Antiquité (le roi Mithridate) ce produit fut aussi utilisé par Ambroise Paré.

Ces prescriptions, loin d’être universelles et efficaces, ne remplaçaient pas la prévention, déjà préconisée du temps de Galien : « enfuis toi rapidement au loin et reviens le plus tard possible… ».

Voilà ce dont disposait Jehan Bauhin contre ce fléau redoutable, confiant en dernier ressort ses patients au Dieu tout puissant, afin que « par son fils Jésus-Christ, le vrai médecin, … nos remèdes soient efficaces. »

La parasitologie retient aussi l’attention de Jehan Bauhin, en raison de l’apparition vers 1590 dans la région de Montbéliard de papillons « non vulgaires » auxquels on avait attribué des piqures sur des hommes et animaux domestiques. Ceci reposait sur la constatation de la présence d’une énorme trompe les aidant à recueillir le suc des plantes et qui n’avait rien à voir avec l’aiguillon d’insectes piqueurs décrits depuis l’antiquité. Bien que fort bien illustré, cet ouvrage n’eut pas un grand retentissement.

La crénothérapie, prisée de « façon frénétique » à cette époque (Montaigne y eu recours en son temps pour soigner sa « gravelle ») retint l’attention de Jehan Bauhin, à travers la description de deux sources, sans doute pour satisfaire son « protecteur », le Comte Frédéric de Montbéliard-Wurtemberg.

La Source de Boll, découverte en 1594 dans le Wurtemberg, fut attentivement étudiée par notre médecin montbéliardais qui, dans une importante publication (291 pages), en décrit les bienfaits sur des ulcères divers ou variqueux, les douleurs d’arthrites... Tous ces résultats nous laissent perplexes, car ne reposant sur aucune constatation crédible. Botaniste, Jehan Bauhin s’intéresse aussi à l’environnement touristique, enrichissant ses écrits d’une description de plantes et productions fruitières (pommes et poires).

La source de Lougres fait l’objet dès 1601 d’un ouvrage de Bauhin, dédié a son illustre propriétaire, le « Très illustre Prince Frédéric », en raison des guérisons obtenues grâce à la source dite de « La Sainte Fontaine ». Fréquentée par des bourguignons, des lorrains et des alsaciens…, des ecclésiastiques et autres « gens d’honneur », cette source est située dans une région très agréable, à deux heures de Montbéliard. Les villages environnants possèdent des hostelleries pouvant accueillir les visiteurs. La cure par absorption de boisson dure de quelques jours à trois semaines. Les effets se font sentir sur les « douleurs » dont le caractère subjectif, non quantifiable, fit que les bienfaits supposés de cette eau iront rapidement en s’éteignant.

 

L’anatomie fit partie intégrante de la formation de Jehan Bauhin qui bénéficia d’un enseignement comportant des dissections à Montpellier ou à Padoue, tout comme son cadet de 18 ans, Caspar Bauhin. Ce dernier enseigna l’anatomie à la faculté de Montpellier et a sans doute décrit la « valvule de Bauhin ». Bien que connu et cité depuis longtemps (Galien), ce dispositif, situé à la jonction de l’intestin grêle et du caecum, prévient tout reflux entre ces deux parties du tractus digestif. Son appellation restera dépourvue de prénom, « en hommage » aux deux frères, médecins réputés.

Jehan Bauhin étudie, chez les cervidés, une autre particularité, « le bézoard », concrétion structurée de l’intestin de ces animaux renfermant des fibres végétales (phyto-bézoard), ou des poils et cheveux (tricho-bézoard) et du carbonate de calcium. On attribuera à ces structures des vertus thérapeutiques non confirmées.

Dans ce même cadre l’autopsie, demandée parfois par le « procureur général » de la seigneurie, permet de préciser dans certains cas les causes d’une mort. Ainsi sont décrites les plaies par « arme blanche », ou des affections d’autre origine (adhérence pulmonaire par pleurite).

 

La réglementation des professions médicales, rendue nécessaire par les fréquents conflits entre les apothicaires et les chirurgiens-barbiers de Montbéliard, fut confiée à Jehan Bauhin, seul « médecin » de la place, « archiatre » soignant le Comte Frédéric et les siens.

Bénéficiant d’un statut très général ces professionnels « prêteront serment sur et aux évangiles de Dieu ». Les chirurgiens-barbiers éliront un « maître » responsable de la corporation qui seul pourra délivrer une « attestation de compétence », garante de la qualité des soins. Rappelant les « devoirs » dans l’esprit d’Hippocrate, les praticiens devront « garder le secret » faute d’être obligés à verser une amende. Les « médecins » dont les pouvoirs sont plus étendus, n’entraveront pas le libre choix par le malade du chirurgien ou de l’apothicaire. Ceux-ci, parfois en présence du médecin, devront préciser la nature des médicaments, leur composition exacte, la date et les quantités remises au patient. Aucun « poison » (antimoine, sublimé ou arsenic…) ne sera délivré. De leur côté les chirurgiens ne pourront délivrer aucun « médicament interne » hors la présence d’un médecin. Les professions autres, pratiquant le traitement de hernies, cataractes, réductions de fracture…, ne pourront lus exercer sans la présence d’un médecin ou d’un chirurgien.

Les patients bénéficieront du « libre choix » de leurs praticiens, et en cas de changement, obligation est faite au précédent de communiquer les renseignements sur la maladie et les remèdes utilisés, et de ne dénigrer en aucun cas son précédent confrère.

Ainsi sont instituées des règles dignes d’un véritable « Conseil de l’Ordre ».

 

Les pharmacies sont placées sous la tutelle du médecin désigné de la ville. Les produits sont répertoriés et contrôlés par l’apothicaire de Montbéliard, en l’occurrence Thiébaud Noblot, le propre gendre de Jehan Bauhin qui, à maintes reprises, signera les documents de cet « ordonnancier » comportant trois cent quatre-vingts préparations destinées à des pathologies des plus diverses (défaillance cardiaque…). Des extraits de plantes, fruits et agrumes seront utilisés pour confectionner divers médicaments.

 

Ces faits illustrent les grandes qualités de « botaniste » de Jehan Bauhin dont nous reparlerons.

 

Texte rédigé à partir de l'ouvrage "Jehan Bauhin - Médecin et botaniste montbéliardais (1541-1612) - Robert Cuisenier (est décédé) - Société d'Emulation de Montbéliard 2012