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CHARLES-GILBERT ROMME (1750-1795)

 

Claude PERRIN

 

Un de mes correspondants, le Docteur Jacques Costagliola, auteur très prolifique, m’a fourni une documentation intéressante sur un médecin français du XVIIIe siècle, conventionnel, député de Riom, qui mérite à plus d’un titre de sortir de l’oubli.

Né à Riom en 1750, ce fils de magistrat a effectué son cursus chez les Oratoriens et y a acquis un solide bagage mathématique. Il s’est ensuite orienté vers la médecine, et, en fin de curriculum, est devenu le gouverneur pendant dix ans d’un jeune aristocrate russe, Paul Stroganoff. Sous sa férule, ce jeune aristocrate a reçu une éducation très spartiate, mais a aussi beaucoup voyagé en Europe. Il a été retiré de la charge de Romme au début de la Révolution, sur ordre de la tsarine. Elu député du Puy-de-Dôme en 1791, Romme siègera à la Montagne.

Envoyé en mission à l’armée de Cherbourg, il fut emprisonné par les Girondins et détenu deux mois à Caen comme otage. De retour à Paris, il présenta à l’Assemblée l’invention du télégraphe. Il oeuvrera ensuite, tant à l’Assemblée législative qu’à la Convention au sein du Comité d’instruction publique où son rôle doit être retenu.

Il est le créateur du calendrier républicain, ou révolutionnaire dont le crédit est abusivement attribué à Fabre d’Eglantine (dont le rôle s’est limité à l’attribution des noms poétiques des mois, ceux fournis par Romme, puisés dans le vocabulaire de l’agriculture et du travail, n’ayant pas été retenus). La conception de ce calendrier comportant douze mois de trente jours répartis en 3 décades auxquels il fallait ajouter 5 jours épagonèmes hors mois (6 les années bissextiles) est entièrement due à Romme. Sa valeur pratique tient à l’absence de chevauchement des semaines sur les mois et années.

Envoyé en qualité de représentant du peuple en mission dans le département de la Dordogne et autres circonvoisins de brumaire an 2 à vendémiaire an 3 (octobre 1793 à septembre 1794), il est l’auteur d’un arrêté sur les soins à accorder aux ouvriers blessés, mutilés ou estropiés dans le service des fonderies, instituant, par là même (en 1793) le principe de la réparation des accidents du travail (19 fructidor an 2). Le préambule de cet arrêté est très explicite : “Ceux qui travaillent pour la Patrie méritent son estime et sa confiance ; ceux qui souffrent pour elle méritent ses soins, sa sollicitude, la reconnaissance, le respect des hommes libres”.

L’article premier institue que tout citoyen travaillant dans les mines, les carrières, les bois, les transports et les divers ateliers des fonderies employés pour la marine, qui sera blessé, mutilé, ou éprouvera dans sa santé quelqu’accident en faisant son service, recevra des soins au nom et aux frais de la République. Les autres articles précisent l’aspect administratif et réglementaire de la prise en charge du blessé. Nous apprenons que le salaire ordinaire sera continué pendant toute la maladie, à titre d’indemnité et pour le soulagement de la famille.

De plus, si, malgré les soins accordés, et par suite de sa blessure, l’ouvrier restait estropié de manière à ne pouvoir plus se livrer au travail, ou s’il venait à mourir, dans le premier cas, son état sera constaté par un officier de santé nommé par le district, en présence d’un officier municipal du lieu, et d’un membre de la commission révolutionnaire des fonderies, qui sera appelé à cet effet : dans l’un et l’autre cas, on constatera pareillement les moyens de subsistance qu’il procurait à sa famille par son travail. Le fondement de la législation réparatrice est ainsi formulé.

En Périgord, Romme s’est inlassablement dépensé en parcourant toute la région, effectuant des tournées dans les 7 fonderies se trouvant sur le cours du Baudrat, s’occupant également de la réquisition du fer forgé et du recensement, du triage et de la répartition des fontes.

Ce conventionnel eut une fin tragique : ayant protesté contre la réaction thermidorienne, il fut, par la suite, accusé de complicité dans l’insurrection montagnarde du 1er prairial an 3.

Condamné à mort par une commission militaire, il fut en quelque sorte une victime expiatoire bien que n’ayant pas été un ardent robespierriste. Avec ceux qui avaient été victimes de la même condamnation (et comme eux, l’un après l’autre), il s’est suicidé au poignard en sortant de la salle du tribunal. Ce suicide patriotique de protestation et de défi contre un nouvel ordre établi doit inspirer le respect, quelqu’opinion qu’on ait par ailleurs, pour cet homme qui a littéralement créé d’une pièce les bases de la législation réparatrice en matière d’accidents du travail.