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HENRY MICHEL DU TENNETAR (1742-1800)

PREMIER PROFESSEUR DE CHIMIE DE LA FACULTE DE MEDECINE DE NANCY (1776-1780)

 

Pierre LABRUDE

 

Henry Michel naît à Metz le 22 février 1742. Il est le fils de Dominique Michel, maître tailleur d’habits, demeurant rue de la Saulnerie, et de son épouse Anne Nicolas. Son enfance et son adolescence nous sont, comme souvent, complètement inconnues. Il effectue des études médicales à l’hôpital militaire de Fort-Moselle à Metz, où il entre, semble-t-il, en 1753, donc à l’âge de 11 ans. Il se rend ensuite à Paris où il paraît poursuivre ses études de médecine. En 1765, revenu à Metz, où il est peut-être professeur au collège, il est reçu membre de la Société des Philatènes.

Il quitte Metz en 1768 pour venir à Nancy où il essaie de créer une filiale de la Société des Philatènes, et où nous savons que, le 15 avril 1769, il lit en séance deux ouvrages, dont un sur les Vices ... des solides et des fluides. C’est à ce moment, où il commence à publier, qu’il aurait ajouté à son patronyme les mots du Tennetar, peut-être pour se différencier des autres porteurs du nom Michel, peut-être parce que des membres de sa famille étaient tanneurs... On ne le sait. Il est aussi étudiant en médecine à la faculté récemment transférée de Pont-à-Mousson.

En effet, le 13 mars 1769, il a soutenu sa thèse de physiologie pour l’obtention du baccalauréat en médecine, sous la présidence du professeur Nicolas Jadelot. Mais nous ignorons tout de sa licence et de son doctorat, et constatons seulement que tous les documents ultérieurs le qualifient de docteur en médecine. Jusqu’à présent, dans sa vie et dans ses études, il n’a pas été question de chimie...

En mai 1770, Michel du Tennetar est à Paris où il exerce sans doute la médecine et où il rencontre ou retrouve Pierre-Isaac Poissonnier, apothicaire et médecin, conseiller d’Etat et donc connu à la Cour (par sa femme également, nourrice du duc de Bourgogne), professeur de

médecine au Collège royal (le futur Collège de France) - où son enseignement porte souvent sur la chimie, en particulier en cette année 1770 -, et inspecteur des hôpitaux militaires - il a inspecté ceux de Lorraine et des Trois-Evêchés en 1755. Est-ce alors que du Tennetar l’aurait connu ? -. La vocation de Michel du Tennetar pour la chimie naît-elle à ce moment ? C’est probable. Fleur écrit qu’il enseigna la chimie selon les principes de Sage et de Macquer dont il a dû suivre les cours à Paris. Si cela est vrai, ce ne peut être qu’au cours de ces deux ou trois années parisiennes.

Balthazar-George Sage est apothicaire royal. Il donne depuis 1760 des cours publics et gratuits de minéralogie docimastique (analyse quantitative des minerais et des métaux) qui ont un grand succès et que suivent de nombreux chimistes. Il est connu de Louis XV et le sera de Louis XVI, et, en cette année 1770, il entre à l’Académie des sciences. Quant à Pierre-Joseph Macquer, lui aussi membre de l’Académie des sciences, il est professeur de pharmacie à la faculté de médecine, auteur d’un Dictionnaire de chymie et, en 1770, il enseigne la chimie au jardin du Roi (le futur Muséum national d’histoire naturelle).

De la fin de 1772 à mai 1773, du Tennetar réside au château de Prullay, près de Mortagne, dans l’Orne, propriété qui appartient à M. Poissonnier. Nous ne savons rien de l’année 1774.

Peut-être est-il revenu en Lorraine et s’occupe-t-il déjà du traitement des épidémies, comme il le fera quelques années plus tard. En 1775, il est médecin stipendié de la ville de Nomeny et associé-correspondant du Collège royal de médecine de Nancy. L’année suivante, en 1776, il est à Nancy et réside rue de la Faïencerie ou rue Saint-Dizier, entre le Point central (actuel) et la place du Marché, donc près de la rue du Pont-Mouja où exerce un apothicaire du nom de Pierre-

François Nicolas, avec qui il va s’associer pour enseigner la chimie, qui sera son démonstrateur, puis son successeur à la faculté de médecine.

Constatant l’absence d’enseignement de chimie tant en ville qu’à la faculté de médecine, Michel du Tennetar et Nicolas ouvrent donc, le 17 avril 1776, un cours public et payant de chimie pour les étudiants et les amateurs, qui a d’abord lieu dans les locaux de la pharmacie de Nicolas. La Faculté, qui ne dispose que de trois chaires, est attentive à cette initiative. En effet, en dehors de l’importance que prend la chimie en ces années, le Collège royal, son concurrent depuis sa création par Stanislas en 1752, dispose alors d’un professeur de chimie, Dominique

Benoît Harmant depuis 1769, et d’un démonstrateur, l’apothicaire Pierre-Remy Willemet depuis 1772, même s’il ne semble pas que l’enseignement soit important. La Faculté ne peut pas laisser passer cette occasion d’essayer d’obtenir une quatrième chaire. Aussi soutient-elle,

le 2 juillet 1776, la requête des deux associés auprès du garde des Sceaux, responsable des questions d’enseignement, le comte de Miromesnil, dont elle a reçu copie, à l’effet d’obtenir la création d’une chaire de chimie à Nancy, et, pour eux, les titres respectifs de professeur royal et de démonstrateur royal de chimie en l’Université de Nancy. La réponse de Louis XVI ne se fait pas attendre, puisque, le 19 août 1776, il signe les lettres patentes nécessaires, enregistrées au Parlement de Nancy le 28 septembre. Michel et Nicolas prêtent serment le 6 novembre.

Sans doute faut-il voir dans ce succès rapide l’influence favorable des relations parisiennes du nouveau professeur avec Poissonnier, Sage et Macquer, et peut-être de Nicolas avec Bayen.

L’apothicaire ayant ensuite vendu sa pharmacie à son neveu Romuald Graux, les enseignements ont lieu dans des locaux officiels, l’Université (la bibliothèque municipale actuelle) lorsque celle-ci est construite.

Dès 1778, du Tennetar est sollicité, ou fait des sollicitations à sa ville natale, pour venir faire à Metz un cours de chimie semblable à celui de Nancy, l’enseignement de l’apothicaire

Thyrion, commencé en février 1765, ayant cessé, vraisemblablement en 1769. La première leçon du cours messin a effectivement lieu le jeudi 26 novembre 1778. A Nancy, les relations entre le professeur et le démonstrateur ne restent pas longtemps harmonieuses, parce que le cours n’a pas le succès attendu et que son coût est important, mais surtout semble t-il à cause des empiétements de Nicolas. Les conflits sont soumis aux instances de la Faculté. Ainsi, le 20 avril 1779, le registre de ses délibérations mentionne t-il : Pour éviter les obstacles que l’amour propre ou l’intérêt personnel pourraient apporter à la perfection de l’enseignement, le professeur établit la théorie et le principe des expériences, le démonstrateur exécute les expériences dans l’ordre énoncé et s’en tient aux explications du manuel sans commenter ou contredire la théorie du professeur.

Il faut préciser qu’en 1777, ainsi qu’en fait foi sa couverture, Nicolas a fait éditer chez Haener à Nancy, un Cours de chymie théorico-pratique à l’usage des étudians et des amateurs où il s’intitule professeur royal de chymie en l’université de Nancy...

Qu’a dû penser Michel du Tennetar dont l’ouvrage Elémens de chymie rédigés d’après les découvertes modernes, ou Précis des leçons publiques de la Société royale des sciences et des arts de Metz, ne paraît à Metz chez Marchal avec seulement le règne minéral, puis chez Gerlache avec en plus le règne végétal, qu’en 1779 ! Les Elémens de chymie... qui servent de support à l’enseignement messin, ne sont vraisemblablement qu’une reprise du programme du cours nancéien, plus ancien de deux années. Le Cours de chymie ... de Nicolas est naturellement très proche des Elémens de chymie ... Toutefois, l’ouvrage de Nicolas apparaît meilleur que celui de Michel... Une telle concurrence ne peut être favorable aux relations entre les deux hommes. Aussi ne sommes nous pas étonnés que Michel du Tennetar démissionne de sa charge au milieu de l’année 1780.

Il quitte donc Nancy et retourne dans sa ville natale où il devient médecin des pauvres.

Son cours de chimie se poursuit au moins jusqu’en 1790, Jean-Baptiste Bécoeur fils, apothicaire, en étant le préparateur. En 1781, il devient membre titulaire de la Société royale des sciences et des arts de Metz, et, le 14 décembre 1782, médecin militaire, peut-être encore grâce à l’aide de Poissonnier. Un peu plus tard, les autorités de la province le nomment médecin de la généralité pour la direction du traitement des épidémies et l’inspection des objets de salubrité publique.

Michel fait aussi de nombreuses communications à la Société royale qui le nomme bibliothécaire.

Le sujet de celle du 25 août 1786 mérite d’être cité : Notice historique et philologique sur Charles Lepois, doyen de la Faculté de médecine et premier professeur de l’Université de Pont-à-Mousson.

En 1790, il est entre autres, professeur de chimie à l’Ecole d’artillerie, puis, en l’an

VII (1798-1799), professeur adjoint de chimie à l’Ecole centrale de la Moselle, ensuite en l’an

VIII, professeur de physique, et enfin en l’an IX, professeur de physique et chimie et président du conseil d’administration de l’établissement. Il meurt à l’âge de 58 ans le 20 frimaire an IX, c’est-à-dire le 11 décembre 1800. Son épouse Françoise-Elisabeth Duvez, née à Nancy, sans doute en 1843, ne lui a pas donné de descendance à notre connaissance.

Premier professeur de chimie de la Faculté de Nancy, mais seulement le contemporain de celui du Collège royal de médecine, second professeur à Metz, Henry Michel du Tennetar est resté toute sa vie fidèle à la médecine, à la chimie, et à sa ville natale. Parmi les nombreux travaux qu’il a présentés à la Société des Philathènes, et aux Sociétés royales de Nancy et de Metz, dont il a été membre de 1779 à leur suppression en 1793, peu se rapportent pourtant à la chimie, l’essentiel étant consacré à des sujets de médecine ou d’hygiène. De sa période professorale à Nancy, nous ne connaissons, en chimie, qu’une publication dans le Journal de physique de l’abbé Rozier en 1778 : Sur un moyen simple de réduire l’or et l’argent en chaux, c’est-à-dire en oxydes, sujet qui rappelle fortement l’alchimie et la théorie du phlogistique, son discours de réception à la Société royale de Metz, consacré à la chimie, et, la même année, ses Elémens de chymie. Après 1780, pendant sa période messine, il analyse des eaux minérales et thermales, des eaux-de-vie, et étudie des procédés de teinture. Tout cela est très habituel chez les chimistes de l’époque. En résumé, les préoccupations d’Henry Michel du Tennetar sont celles d’un chimiste provincial «classique» du siècle des Lumières.